29 mars 2024

Pourquoi décroître ?

Cette question semble simple, en apparence, mais elle est en réalité très compliquée parce que porteuse d’un certain nombre de confusions très largement répandues. Attention, je dis question simple en tant que question intelligible, et pas « simple » en tant que question à laquelle il est facile de répondre. Par exemple, celui qui porte en horreur la société actuelle à cause d’un certain nombre de désagréments qu’il considère comme ces conséquences de la croissance, va nous dire : c’est simple, je veux décroître parce que la société actuelle ne me plaît pas, elle nous enlève la joie de vivre, il y a trop de publicité, elle rompt le lien social, elle pousse à l’individualisme, elle réchauffe le climat, elle va détruire la planète et l’homme avec, etc..

Et tout cela c’est à cause de la croissance, c’est à dire à cause de la multiplication des biens de consommation, donc il faut décroître, il faut faire décroître la fabrication des biens et services de consommation, pour que nous soyons plus heureux et que le réchauffement climatique soit stoppé.

Bien, mais cela ce n’est pas la réponse à la question : « Pourquoi décroître ? », mais c’est la réponse à la question : « Pourquoi devons-nous décroître ? » « Pourquoi faut-il décroître ? »

Car nous pouvons aussi interpréter la question « Pourquoi décroître ? » d’une façon différente. Cette façon c’est : « Pourquoi allons-nous décroître ?» sous-entendu décroître inéluctablement, décroître quoi qu’on fasse, qu’on le veuille ou non, qu’on le souhaite ou pas.

Alors vous allez peut être me dire que c’est la même chose, soit que je coupe les cheveux en quatre, soit les deux.

Eh bien non, ce n’est pas du tout la même chose de « vouloir la décroissance », que d’être « convaincu de son inéluctabilité », même si le résultat final semble être le même, ce qui n’est même pas évident car les tenants de la décroissance volontaire n’ont pas tous la même vision de la façon dont il faudrait décroître, dans la mesure où il existe plusieurs catégories différentes de décroissants volontaires.

Mais il y a plus grave encore, en terme de confusion, parce que dans la question : « Pourquoi décroître ? » qui a pour synonyme « Pourquoi la décroissance? », il y a le problème de la définition de la décroissance, et là aussi il y a plusieurs variantes.

Alors, encore une fois, on va me dire que je pinaille, que j’ergote, que je fais des catégories et que je cherche à définir les mots par simple plaisir intellectuel.

Eh bien non, ce n’est pas par simple plaisir intellectuel, mais par souci d’efficacité du débat et de l’échange. Chacun se rend bien compte de l’extrême confusion qui règne dans le débat sociétal aujourd’hui et tout particulièrement autour de cette notion devenue fumeuse de décroissance, lorsque nous voyons – par exemple – l’ancien ministre Luc Ferry parler de décroissance non vendable et même d’impasse de la décroissance !…

C’est pourquoi il importe de mettre définitivement de l’ordre dans tout ce maelstrom en posant des idées simples, claires et compréhensibles par tout le monde. Je dis bien claires « et » compréhensibles par tout le monde, parce là aussi il y a beaucoup de confusion à croire par exemple qu’une idée « compréhensible par tout le monde » (genre « pour les nuls ») c’est forcément une idée claire.

Or c’est faux et archi-faux. Car très souvent ce genre d’idée « compréhensible par tout le monde » « pour les nuls » « facile à comprendre » n’est en réalité pas une idée, mais plutôt une formule démagogique, un slogan qui plaît (et qui marche) mais qui à l’analyse se révèle peu clair, et au final vide de sens. Donc, apparemment facile à comprendre, mais au final, peu clair.

Par conséquent ce que nous devons rechercher c’est l’expression d’une idée qui soit à la fois claire “et”  facilement compréhensible par tout le monde.

Alors qu’est ce que la décroissance ? En tant qu’idée claire + compréhensible

D’après le dictionnaire, c’est l’action de diminuer progressivement en intensité, en quantité, etc. On remarquera tout de suite que cette définition ne prend pas en compte l’origine de l’ action, ce qui signifie que la définition réelle de la décroissance c’est celle de la constatation objective d’un état qui décroît, quelle que soit la nature de la dynamique interne du processus de diminution.

Eh bien c’est cette définition de la décroissance qu’il faut retenir, la seule et pas une autre. Ce qui a pour signification immédiate, claire et facilement compréhensible, d’affirmer que toutes les autres interprétations ne parlent pas de décroissance et qu’il faut leur attribuer un autre nom. Nous allons d’ailleurs voir lequel (ou lesquels).

Mais le terme décroissance est également l’antonyme du terme croissance qui signifie « action d’augmenter progressivement en intensité et en quantité », et qui, appliqué à l’économie, concerne l’augmentation de l’indice mesurant l’évolution de la croissance c’est à dire le PIB (Produit Intérieur Brut).

Donc, si le PIB augmente l’économie est en croissance, si le PIB diminue l’économie est en décroissance. C’est clair.

Voyons maintenant qu’est ce que le PIB. C’est la valeur de la totalité des biens et services produits dans un pays, diminué de la valeur de la totalité des consommations intermédiaires (c’est à dire les biens et services utilisées pour produire ou fabriquer ces biens et services finaux)

Avec cette formule nous voyons tout de suite que la variation PIB est liée à deux facteurs, la valeur de produits finaux et la valeur des consommations intermédiaires et pas à un seul facteur comme on le croit souvent : uniquement la valeur des produits finaux.

Autrement dit en termes clairs, et pour illustrer schématiquement notre question du PIB : supposons une collectivité fictive qui ne fabrique que des voitures automobiles et rien d’autre, et qui produit 10 millions de voitures automobiles par an ayant une valeur totale de 100 milliard d’euros et que pour fabriquer ces voitures automobiles elle doit utiliser 10 millions de tonnes de métal d’une valeur de 10 milliards d’euros. Son PIB sera donc de 100-10 = 90 milliards d’euros.

  • Si elle augmente sa production d’automobile d’une année sur l’autre, sans utiliser plus de métal par voiture fabriquée et sans que ce ce métal ne coûte plus cher à obtenir, son PIB augmentera d’une année sur l’autre, et cette collectivité sera donc en croissance.
  • Si elle diminue sa production d’automobile d’une année sur l’autre, sans utiliser plus de métal par voiture fabriquée et sans que ce ce métal ne coûte plus cher à obtenir, son PIB diminuera d’une année sur l’autre, et cette collectivité sera donc en décroissance.

Jusque là tout va bien ….

Par contre, et c’est là que ça commence à se compliquer, si elle augmente sa production d’automobile d’une année sur l’autre, en utilisant plus de métal par voiture fabriquée et/ou si ce ce métal coûte plus cher à obtenir, son PIB diminuera et cette collectivité sera donc en décroissance =>et ceci malgré une augmentation quantitative de sa production de biens !

Et inversement, si elle diminue sa production d’automobile d’une année sur l’autre, mais en utilisant moins de métal par voiture fabriquée et/ou si ce ce métal coûte moins cher à obtenir, son PIB augmentera d’une année sur l’autre et cette collectivité sera donc en croissance =>et ceci malgré une diminution quantitative de sa production de biens.

Nous voyons tout de suite que la conséquence de ce raisonnement (peu contestable) c’est que lorsqu’on nous dit : je veux décroître, il faut nous expliquer exactement ce qu’on « veut » faire décroître et cela est rarement fait. Et cette réalité engendre le paradoxe suivant :

  • celui qui veut faire décroître le PIB est bien clairement un opposant de la croissance, telle que définie par la société capitaliste oligocratique croissanciste
  • par contre celui qui ne s’attacherait qu’à faire diminuer la quantité de biens et services parlerait d’autre chose que de décroissance puisqu’on pourrait fort bien imaginer le scénario d’un maintien de la croissance du PIB conjointement à une décroissance de la quantité de biens produits.

Ce qu’il faut retenir de ce survol d’analyse économique c’est qu’il n’est pas si simple de dire : il faut décroître, du seul point de vue de savoir de quoi l’on parle.

Et le fait est que, bien souvent dans la joute politicienne ordinaire, certains utilisent le mot magique de décroissance pour nommer un projet de société qu’ils ont en tête avec des options culturelles (rejet de la publicité), ou de mode de vie (créer du lien social), ou de garantie de revenu (le revenu inconditionnel) mais qui ne touche que de très loin aux réalités de la mécanique économique.

Eh bien pour nous, théoriciens de la décroissance inéluctable,  le terme décroissance n’a rien de culturel, ni de social. Nous l’avons défini très clairement : « c’est l’état constaté de quelque chose qui diminue » et c’est aussi beaucoup plus compréhensible par tous.

Appliqué à l’économie, c’est donc la diminution du PIB par l’effet conjoint et simultané de tous ses facteurs constitutifs, à savoir : diminution de la quantité et valeur des biens et services finaux  associée à l’augmentation de la quantité et du coût des consommations intermédiaires,

Selon nous, cette diminution (décroissance) se produira de façon inéluctable, quoi qu’on fasse et même sans rien faire, de par l’application des lois de la physique et notamment de la deuxième loi de la thermodynamique (la fameuse loi de l’entropie) qui énonce de façon incontestable la dégradation progressive de l’énergie et de la matière entrant dans la composition du produit industriel (passage de l’état de basse entropie à l’état de haute entropie) pour atteindre un point où toute l’énergie et toute la matière sera transformée sous forme dégradée et donc devenue définitivement inutilisable par l’homme.

C’est cela que nous nommons : la théorie de la décroissance inéluctable. C’est une théorie qui analyse le processus industriel croissanciste, diagnostique sa défectuosité physique et, par voie de conséquence, pronostique son déclin irrémédiable.

Cette théorie de la décroissance inéluctable n’a rien à voir avec l’idéologie dite « de la décroissance » dont nous avons parlé tout à l’heure et dont se gausse ouvertement des gens comme Luc Ferry. C’est pourquoi cette idéologie qui subit ces critiques (que le grand public valide dans son ensemble) doit être requalifiée d’un autre nom sous peine de continuer à entretenir la confusion, et notamment à notre détriment, car nous y sommes amalgamés à notre insu et malgré nous.

Mais qui peut faire cela ? Qui peut proposer une requalification de cette idéologie de la décroissance volontaire à laquelle nous sommes assimilés, par erreur, dans l’esprit du grand public ? Certainement pas les promoteurs eux-mêmes de cette idéologie qui tiennent à cette version de la décroissance, ainsi qu’à leur titre autoproclamé de « (seuls) décroissants », comme à la prunelle de leurs yeux.

C’est donc bien au tenants, c’est à dire aux théoriciens de la décroissance inéluctable de le faire en proposant les qualifications et requalifications suivantes :

  • la décroissance est l’état objectivement constaté de quelque chose qui diminue
  • la croissance est l’état objectivement constaté de quelque chose qui augmente
  • le décroissant est une personne dont les cellules vitales ont amorcé une dégradation progressive vers le vieillissement, puis   la mort
  • le décroissanciste est une personne qui agit pour que le PIB de la société actuelle diminue
  • le décroissanphile est une personne qui aime l’idée que le PIB de la société actuelle puisse diminuer (sans pour autant qu’il entreprenne forcément une action pour y parvenir)
  • le croissanciste est une personne qui agit pour que le PIB de la société actuelle augmente
  • le croissanphile est une personne qui aime l’idée que le PIB de la société actuelle puisse augmenter (sans pour autant qu’il entreprenne forcément une action pour y parvenir)
  • le théoricien de la décroissance est une personne qui démontre, à l’aide d’arguments scientifiques, que la société actuelle va inéluctablement décroître.

Enfin, et pour terminer cette énumération, nous devrons préciser que nous n’avons pas encore trouvé de terme pour désigner tous ceux qui approuvent et entérinent les arguments des théoriciens de la décroissance inéluctable, mais que nous ne désespérons pas d’en trouver un, à moins que, leur nombre allant sans cesse grandissant, cette quête devienne inutile  et que nous puissions alors les dénommer des ….citoyens ….. tout simplement

Ces définitions de termes, de nature à clarifier les échanges, ayant été posées, revenons à notre question initiale : « Pourquoi décroître ? ». Nous savons pertinemment, et d’expérience, qu’il n’est pas facile de rester concentré sur cette question première dans le cadre d’un débat contradictoire, et nous nous en rendons compte, d’ailleurs, à chaque fois que nous échangeons sur le sujet avec des contradicteurs aléatoires. Car la tentation est grande, en commençant à répondre à la question : « Pourquoi décroître ? » ou « Pourquoi la décroissance » (ce qui est la même question) de passer rapidement à donner son avis sur : « Comment décroître ? » , assorti de ses corollaires :

  • Quand décroître ?
  • Que décroître ?
  • Faut-il se réjouir du fait que nous allons décroître ?
  • Faut-il, au contraire, avoir peur du fait que nous allons décroître ?
  • et enfin, last but not the least : Où décroître ?

Toutes ces questions adjacentes à la question-mère : « Pourquoi décroître ?» sont naturellement très importantes, et mêmes passionnantes, voire passionnées, mais elles sont toutes conditionnées par la réponse que nous allons donner à la première question : « Pourquoi décroître ?». C’est pourquoi, il est important de faire l’effort de bien rester centré sur cette question et de ne pas dériver sur les autres, qui devront faire l’objet chacune, de débats particuliers et consécutifs.

Alors résumons-nous ! Nous venons de voir que les raisons de la décroissance, les motifs de décroître, sont tous liés à la définition précise que nous allons donner de la décroissance, mais il y a aussi un autre facteur source de confusion que nous n’avons pas encore évoqué et que nous devons préciser encore avant d’aller plus loin.

Ce facteur c’est la différence qui existe entre la notion de « croissance » et celle de « développement ». Or ces deux termes sont souvent confondus, voire considérés comme synonymes, de sorte que « développement durable », par exemple, devient, dans l’esprit commun : « croissance durable ».

Le premier économiste qui a mis en garde contre cette confusion (dès 1930) est Joseph Schumpeter (qui fut accessoirement le professeur de Nicholas Georgescu Roegen) et qui disait ceci : « il y a croissance économique lorsque augmente la production par habitant des types de biens courants. Alors que le développement, lui, signifie l’introduction des innovations techniques. C’est en raison des instincts d’artisanat et de curiosité gratuite de l’homme qu’une innovation en suscite une autre, ce qui constitue le développement ».

Nous remarquerons que cette définition de la croissance ignore le PIB, pour ne retenir que le volume de production par habitant, cad, traduit en termes comptables le chiffre d’affaires unitaire et pas la valeur ajoutée. Ce qui nous ramène à notre problématique de la définition de de la croissance/décroissance en tant que volume absolu (cad ne considérant que l’augmentation ou la diminution arithmétique de la totalité des biens produits, ou bien ne considérant que l’augmentation ou la diminution de la valeur calculée de ces mêmes biens produits). Fermons la parenthèse

Il ressort de ces considérations que la corrélation entre développement et croissance ne va pas de soi et que nous pourrions très bien imaginer un développement sans croissance, c’est à dire un flux d’innovations technologiques n’entraînant pas d’augmentation du PIB, mais uniquement centrées sur la diminution de la pénibilité du travail humain, par exemple. En revanche, il semble difficile de concevoir une croissance sans développement, c’est à dire sans innovations technologiques permettant d’augmenter la production. Cette question est centrale dans le raisonnement sur la décroissance, puisqu’elle introduit un jugement qualitatif sur la technologie, et, en amont, sur la recherche et préfigure de la possibilité d’un changement de stratégie politique dans ce domaine.

Cette remarque pose la question de la pertinence de la critique de la technologie qui est souvent couplée avec celle de la croissance dans le discours de la plupart des   « décroissancistes ».

Car il apparaît que la technologie (prise au sens le plus large possible) est plus une accompagnatrice de la croissance qu’un élément consubstantiel et que sa corrélation graphique avec la croissance n’est pas irrémédiable, puisque, comme nous l’avons déjà dit et répété, il est tout à fait possible de concevoir un découplage de la croissance et de la technologie, avec l’apparition d’une technologie au service de l’adaptation et de l’optimisation d’une décroissance devenue inéluctable.

De ce point de vue, et avec cette définition très stricte du mot développement, le terme développement durable pourrait devenir recevable, avec la précision importante et clairement signifiée que la notion de croissance serait exempte du concept global de développement. Ce type de développement pourrait donc cohabiter avec un état de décroissance présentant les caractéristiques suivantes :

  • décroissance inéluctable,
  • décroissance progressive,
  • décroissance ne s’arrêtant jamais sur un état stationnaire,
  • décroissance continuellement accompagné par le développement d’une certaine technologie.

Cette distinction très importante entre croissance et développement ayant été ainsi précisée, nous pouvons continuer dans l’avancement de notre réponse à la question “Pourquoi décroître ?“, en nous référant, encore une fois à NGR qui disait ceci :

  • « Le passé de l’homme consiste principalement en longues séquences d’états quasi stationnaires et l’ère d’effervescence actuelle n’est en soi qu’une toute petite exception.
  • « En fait la véritable défense de l’environnement doit être centrée sur le taux global d’épuisement des ressources (et sur le taux de pollution qui en découle) la conclusion nécessaire des arguments avancés en faveur de cette perspective consiste à remplacer l’idée d’état stationnaire par l’idée d’un état de décroissance. »
  • « Car La société industrielle se heurte à une accessibilité décroissante et inéluctable de la matière-énergie dont elle a besoin. »

NGR nous parle bien ici de la matière « et » de l’énergie dont le couple constitue la base de notre système industriel. Nous savons, en effet, que le processus économique se nourrit de ce couple énergie/matière et ces deux éléments constitutifs ne peuvent être dissociés l’un de l’autre dans le cadre du processus économique quotidien de la société industrielle.

  • En effet, supposons que l’homme dispose d’énergie mais pas de matière, eh bien cette énergie ne lui serait d’aucune utilité car il serait alors voué à une vie végétative, un peu à l’image les plantes qui se nourrissent de la photosynthèse.
  • Inversement, supposons que l’homme dispose de matière mais pas d’énergie, eh bien  l’homme ne pourrait travailler la matière qu’à l’aide de sa force musculaire, et il serait alors voué à un mode de vie de type chasseur pêcheur cueilleur.

A ce propos, il serait bon d’ouvrir une parenthèse pour rappeler que ce mode de vie (chasseur pêcheur cueilleur) a été celui de l’homo sapiens pendant 300.000 ans (alors que le mode industrialis, lui, ne date que de 170 ans), qu’il constitue, soit dit en passant, le seul système durable (dans le sens d’indéfiniment durable) connu à ce jour et qu’enfin, il est considéré par la majorité des paléontologues comme l’âge d’or de l’humanité pour sa paisibilité, son absence de conflit et de hiérarchie. Fin de la parenthèse.

Notons que Roegen ajoute encore en substance :

  • Cette décroissance inéluctable peut être, pendant un court instant (sur la grande échelle du temps), contrebalancée par des innovations technologiques, mais alors dans ce cas, le capital investi et immobilisé doit nécessairement être accru et les gens doivent travailler davantage, …..à population constante… parce que si la population augmente la difficulté s’accélère d’autant.
  • Car La difficulté majeure réside dans l’impossibilité des innovations à se poursuivre indéfiniment dans un système clos. Les progrès technologiques trop vantés et vendus à notre époque ne devraient pas nous aveugler. Du point de vue de l’économie des ressources terrestres – base du mode de vie industriel de l’humanité – la plupart des innovations représentent un gaspillage de basse entropie »
  • La thèse selon laquelle l’état stationnaire constitue notre salut écologique, si brillamment soutenue par Herman Daly (1973). et qui a connu les succès que l’on sait avec l’invention de l’oxymore développement durable, traduction détournée de « steady-state economy » se heurte aussi à la quatrième loi de la thermodynamique suggérée par NGR, c’est à dire la dissipation (ou dégradation) irréversible de la matière finie extraire de l’écorce terrestre.
  • Sa grande popularité dans les pays occidentaux est surtout due au fait que les gens des pays développés qui, à présent, se sentent menacés par la crise de l’énergie aimeraient bien garder pour toujours leur niveau de vie actuel »

Eh bien, pour les théoriciens de la décroissance inéluctable (c’est à dire « nous ») : la réponse à la question « Pourquoi décroître ? » rejoindra bien celle amorcée par NG Roegen. De fait, notre « motif » de décroissance se rapproche de celui des effondristes, dans la mesure où nous interprétons également la décroissance comme une résultante inéluctable du processus industriel, mais, à cette différence sensible, que nous considérons qu’elle peut – ou doit – être encadrée par un nouveau système économico-politique susceptible d’éviter l’effondrement. Car nous soutenons l’idée que la décroissance n’est pas une idéologie, ni une philosophie, ni, encore moins, une religion, mais que c’est une réalité prochaine, une évolution inéluctable quoi qu’on fasse liée à la simple application des lois de la physique dont la société industrielle a cru pouvoir s’affranchir, évolution dont la première phase est sans doute déjà amorcée mais qui n’est pas visible à l’oeil nu.

En conclusion, nous affirmons et répétons que la question qui doit être posée n’est pas tant de savoir s’il faut être pour ou contre la décroissance, mais bien plutôt de savoir comment et sous quelle forme il va être possible de s’adapter au déclin inéluctable de notre système industriel, tout en évitant l’effondrement.

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